Charlotte Gainsbourg est en couv’ du Figaro Madame, une interview, de magnifiques photos. courez l’acheter pour les photos ! L’interview est ici:
Devenue une grande dame du cinéma, Charlotte préside le 27 février, la 34e cérémonie des César (1). Avant de nous surprendre dans Antichrist, torride et terrifiant film de Lars Von Trier. Flash-back sur vingt-cinq ans de carrière.
Le Figaro Madame, Paru le 14.02.2009, par Richard Gianorio
Elle a deux enfants, l’âge qu’on l’appelle madame, mais l’adolescence s’attarde et va bien à cette fille longue et pâle si bien élevée et si délicate qu’on se demande encore comment elle a pu devenir actrice. L’« exquise esquisse » ne s’est pas construite en un jour. La discrétion, l’humilité et la patience ont payé. C’est un fait : Charlotte Gainsbourg est désormais une valeur sûre du cinéma européen. On la réclame, on l’encense, on la plébiscite. Elle a du style, une aura : c’est la Sofia Coppola française. Le 27 février, elle présidera la 34e Cérémonie des césars, la preuve qu’elle appartient désormais au cénacle des vénérables du cinéma.
On l’a attrapée entre deux avions pour Los Angeles. Elle y enregistre un album avec Beck, pointure américaine de l’électro-folk. Il va vite et ce rythme, qu’elle découvre, ne lui déplaît pas. L’album sortira probablement avant la fin de l’année. D’ici là, on l’aura vue dans Antichrist, un film de Lars von Trier, et dans Persécution, thriller psychologique de Patrice Chéreau. Ciné-interview.
Madame Figaro. – Tout le monde ou presque est artiste dans votre dynastie. Votre grand-mère maternelle, Judy Campbell, était une vedette du théâtre anglais. Est-elle la figure tutélaire de la famille ?
Charlotte Gainsbourg. Il n’y avait pas de stars dans la famille, ce côté pompeux n’existait pas chez nous, même si toutes les conversations tournaient autour du cinéma, du théâtre et de la musique. Ma mère ne nous a pas élevées comme ça. Heureusement d’ailleurs, car cela aurait été très inhibant. Je suis restée très proche de ma famille, très exclusive avec eux. Et assez solitaire. C’est probablement une chose qui découle de mon enfance : j’étais timide et en retrait, je voulais passer inaperçue et me fondre. Cela m’a construite d’une autre façon. Mais chez moi, la nostalgie de l’enfance reste énorme. Je suis tournée vers le passé et je dois lutter contre ça car ce n’est pas serein. Je lutte constamment contre cette mélancolie. Heureusement mes enfants me ramènent dans un présent immédiat. Ce sont eux qui me portent : avec eux, je ressens une gaieté que je n’éprouve pas nécessairement le reste du temps.
Yul Brynner était votre parrain, paraît-il…
Ah oui, il devait passer par là au moment de ma naissance à Londres ! Il m’a offert un bracelet mais il n’y a plus jamais eu de suivi… (Elle rit.)
Le réalisateur Carol Reed est un cousin de votre mère. Exact ?
Ah oui, un cousin éloigné, par alliance. Ça, ça m’impressionne beaucoup. D’autant que petite fille, j’adorais Oliver Twist dont il a fait un film en 1968.
En 1984, vous avez 13 ans, vous débutez au cinéma dans Paroles et Musiques où vous jouez la fille de Catherine Deneuve. Qui était Charlotte Gainsbourg a ce moment-là ?
Une petite fille attardée. Je n’ai pas de seins, j’ai encore mes dents de lait – je les ai perdues très tard -, j’ai l’air d’avoir 8 ans. J’en garde le souvenir du plaisir d’avoir été adoptée par une équipe de cinéma et de l’avoir suivie en tournage au Canada. C’est la découverte de l’autonomie. C’est la première fois que je me retrouvais toute seule, sans parents ni chaperon, dans une chambre d’hôtel. Je me souviens aussi avoir rejoint mon père à New York pour enregistrer Lemon Incest…
En 1986, premier césar pour l’Effrontée de Claude Miller…
Le tournage avait été magique. Je n’en dirai pas autant de la sortie du film : la promotion, je ne savais pas faire, je n’assumais pas. Et j’ai eu le césar du Meilleur Espoir. C’était très éprouvant. J’étais très fière et en même temps je bafouillais. J’étais en larmes. Avant la cérémonie, mon père m’avait mise en garde : « Si tu ne l’as pas, ne pleure pas ! » (Elle rit.)
Vous dites que vous êtes devenue actrice avec Merci la vie de Bertrand Blier en 1991. Pour quelle raison ?
Je n’étais plus alors une petite fille qui tournait pendant les vacances d’été, mais une actrice dont c’était devenu le métier. Curieusement, c’est à partir de ce moment-là que les choses ont moins bien marché pour moi. J’ai perdu mon père, je n’allais vraiment pas bien. Sa mort m’a coupé les pattes alors que je n’étais pas encore adulte. J’étais désarmée. Je suis restée dans une position de repli jusqu’à mes 25 ans. A ce moment-là, Yvan (NDLR : Yvan Attal, son compagnon) était ma seule famille de cinéma. J’ai tourné des films que j’aime beaucoup, Cement Garden ou Jane Eyre, qui n’ont pas marché. Une période de creux assez frustrante a commencé qui ne s’est arrêtée qu’au moment de la Bûche de Danièle Thompson. Mais jusque-là, j’étais passive. Je ne faisais pas grand-chose…
Avec la Bûche, en 1999, puis Ma femme est une actrice, en 2001, vous devenez une actrice super sollicitée…
Oui, j’ai recommencé à ne plus faire les choses à reculons. J’avais eu un enfant, je m’acceptais mieux, j’étais plus vivante. Avec la Bûche, j’ai redécouvert à quel point un tournage peut être plaisant. Puis Ma femme est une actrice m’a redonné des forces : on s’est tellement amusés avec Yvan, il y avait une telle énergie…
En 2000, on vous retrouve membre du jury au Festival de Cannes. Cette expérience a-t-elle été constructive ?
Je l’ai vécue d’une manière très scolaire et je m’en veux. Je n’étais pas détendue, je ne me suis jamais autorisée à suivre mon instinct. En tant que membre du jury, nous étions relativement cloîtrés, avec l’interdiction de parler. Du coup, je n’ai pas fait de rencontres particulières. Et comme je ne suis pas très à l’aise dans les fêtes non plus, je n’ai profité de rien… (Elle rit.)
Vous avez terminé Antichrist de Lars von Trier. Que pouvez-vous en dire ?
Ça commence par un drame, un couple qui a perdu un enfant. Le mari tente de faire suivre une thérapie à sa femme en l’isolant dans une cabane au milieu de la forêt. Puis, ça se poursuit en film d’horreur. J’étais dans une telle confiance que je me suis complètement abandonnée. Le film n’est pas sage du tout. Tout est extrême, presque gore, presque porno. Nous avons tourné beaucoup de scènes de sexe et j’oubliais ma pudeur. Je n’avais plus aucune barrière ! J’ai l’impression d’avoir participé à une master class… Je n’ai pas vu le film terminé, je ne sais donc pas ce que ça va donner : ça m’inquiète et ça m’excite à la fois.
Bette Davis disait qu’elle était actrice parce qu’elle ne s’aimait pas. Qu’en pensez-vous ?
J’ai l’impression que tout le monde peut être actrice. Tout le monde a quelque chose à exprimer. Moi, je ne me sens pas différente, je suis peut-être juste plus modelable qu’une autre ? Je crois aussi qu’il y a quelque chose qui tient de l’irresponsabilité chez les actrices : nous avons beaucoup d’espoirs mais nous ne savons pas vraiment où nous allons. Le danger et l’imprévu m’intéressent de plus en plus. Je ne suis jamais sûre de moi, je suis même souvent saisie par une peur paralysante mais en même temps, je me rends compte que je ne tourne le dos à aucun personnage. Il y a toujours cette envie de me jeter à l’eau et de découvrir…
Hollywood vous fait-il les yeux doux ?
En fait, je n’ai jamais tourné un film de studio. J’ai participé à des films indépendants mais le système américain, je ne le connais pas vraiment, et je redoute les compromis et l’acharnement dont il faut faire preuve pour travailler là-bas. J’ai assez peu de sollicitations. On m’a proposé la suite de Terminator avec Christian Bale (NDLR : Terminator Salvation) mais je me suis dégonflée… En même temps, si j’avais accepté, j’aurais loupé Lars von Trier…
(1) La 34e Cérémonie des César sera diffusée en clair et en exclusivité sur Canal+ vendredi 27 février 2009, à partir de 21 heures, en direct du théâtre du Châtelet.